Tout savoir sur l’impôt nouvelle mouture pour bien déclarer vos revenus locatifs

Issu de la réforme fiscale de l’ISF, entrée en vigueur au premier janvier 2018, le nouvel Impôt sur la fortune immobilière (IFI) devrait rapporter 1,53 milliard d'euros en 2019, selon les prévisions du magazine Les Échos. Un chiffre deux fois supérieur aux estimations faites par le gouvernement lors de sa création en fin d'année 2017. Pourtant, il est loin de satisfaire. Acculant et motivant à l’exil fiscal pour les plus gros foyers, décevant voire insultant pour les plus pauvres… Remanié à plusieurs reprises par la droite et la gauche, l'ISF illustre l'impossible consensus politico-économique sur la taxation des plus riches.

Petite histoire de l’impôt sur la fortune

Dans un article publié le 28 septembre 2017 et rédigé par Margaux Lacroux, le magazine Libération revenait sur l’histoire de l’Impôt sur la fortune, une histoire vieille de trente-cinq ans et marquée par de nombreux revirements.

« À droite comme à gauche, il y a toujours eu la crainte d’assumer complètement les modifications de cet impôt. La droite a toujours été tétanisée d’apparaître comme faisant des cadeaux aux plus fortunés. Et symétriquement la gauche a toujours eu un peu l’angoisse d’être taxée de démagogue, d’avoir une démarche antiéconomique, de faire fuir ceux qui créent la richesse.» Martin Collet, enseignant-chercheur en droit public à l’Université Paris-II Panthéon-Assas

En 1982 naît l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) , sous l’impulsion du gouvernement de François Mitterrand, tout juste arrivé au pouvoir. Le principe en est simple et reste communément admis : les richesses des plus riches doivent être proportionnellement redistribuées de manière à réduire la pauvreté des plus pauvres.
En termes plus savants, cet impôt vise à réduire les écarts de niveau de vie entre les déciles les plus opposés (les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches) .
Certains biens se trouvent déjà exclus du calcul de l’impôt (en ce qui concerne l’IGF, les œuvres d’art). C’est ce qu’on a coutume d’appeler un « cadeau fiscal » accordé aux plus riches, en contrepartie de « l’effort » qu’on considère qu’ils fournissent via leur impôt et la bonne foi dont ils font preuve dans leur déclaration.
En 1986, sous la première cohabitation, le Premier ministre de droite Jacques Chirac fait voter l’abrogation de l’IGF,
avant qu’il soit rétablit en 1988 sous le nom d’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) par le gouvernement socialiste de Michel Rocard. En introduisant le terme de «solidarité» dans le nom de cet impôt, le gouvernement cherche la mise en avant de son aspect social et de sa perspective de «redistribution des richesses».
Mais dans le même temps, on craint que l’impôt soit perçu comme «confiscatoire». Il y a donc modération des taux d’imposition et plafonnement, de sorte que le total de l’ISF et de l’impôt sur le revenu ne dépasse pas 70% du revenu imposable des contribuables.
En 2005, Dominique de Villepin met en place le dispositif de bouclier fiscal, baissant ce plafond à 60%.
En 2007, le gouvernement Sarkozy renforce le bouclier fiscal, décision qui a eu pour conséquence de considérablement amoindrir le poids de l’impôt pour les plus riches. Le seuil d’entrée du patrimoine soumis à l’ISF était fixé 800 000 euros, il passe alors à 1,3 million d’euros. De fait, moins de personnes y sont assujetties. Cette décision visait surtout, officiellement, à prendre en compte l’évolution des prix de l’immobilier.
En 2012, Français Hollande met en place le barème progressif à cinq tranches (contre deux auparavant), chaque tranche correspondant à un taux de taxation. Ramenant à peu près l’ISF à ce qu’il était avant Sarkozy, cette réforme rabaisse le seuil d’entrée à 800 000 euros.

Jusque-là, font partie des biens pris en compte pour déterminer la valeur d’un patrimoine : les biens meubles (meubles, véhicules, bijoux…) et immobiliers (appartements, maisons, bâtiments et terrains construits ou non), les placements (actions, assurance vie…) et les liquidités (avoirs, livret A…).

Présenté le 27 septembre 2017 et entré en vigueur au 1er janvier 2018, le nouvel impôt sur la fortune du gouvernement Macron se voit recentré sur la seule «rente immobilière», en excluant de son champ le patrimoine mobilier, l’épargne et les placements financiers.
L’ISF se transforme donc en impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Les principes du nouvel impôt sur la fortune immobilière

«L’idée est d’encourager les gens qui ont de l’argent à investir dans les entreprises plutôt que dans l’immobilier, car cela produirait davantage de richesses et créerait de l’embauche», analyse Martin Collet pour Libération. Cette mesure est également pensée par le gouvernement comme un moyen de dissuader les personnes aisées de s’expatrier dans des pays à la fiscalité plus favorable.
La loi de finances pour 2018 réforme le régime d’imposition des revenus de l’épargne dans sa globalité, avec pour objectif de simplifier tous les dispositifs et d’améliorer la visibilité pour le contribuable.
Le but est aussi qu’au moment de leurs placements, les épargnants aient une vision claire de leur imposition future.

Dans les nouveautés à prendre en compte, les contribuables devront déclarer leur patrimoine immobilier en même temps que leurs revenus.

La nouvelle fiscalité de l’IFI :

En principe, l’assurance-vie reste exclue de l’assiette d’imposition. Par contre, les contrats en unités de compte immobilières (SCPI, OPCI...) intègrent désormais l’assiette taxable de l’IFI. Il faudra donc porter attention à l’allocation de ses actifs.
La mise en place du prélèvement forfaitaire unique ou PFU (également appelé flat tax) simplifie et allège, dans la plupart des cas, la fiscalité applicable aux revenus et aux gains du capital perçus par les particuliers. Ce PFU, au taux fixé à 30 %, se compose d’un taux forfaitaire d’impôt sur le revenu de 12,8 % et des prélèvements sociaux, de 17,2 % désormais.
Ce nouveau prélèvement s’applique aux dividendes, aux plus-values de valeurs mobilières (actions), et à l’ensemble des produits de placement à revenu fixe : intérêts des obligations, créances, dépôts, comptes sur livrets, assurances-vie, etc. En somme, le PFU touche la plupart des revenus mobiliers perçus à compter du 1er janvier 2018 pour les particuliers.
Le seuil d’entrée de cet impôt sur la fortune nouvelle mouture est rehaussé à 1,3 million d’euros de patrimoine taxable.
Tout le patrimoine immobilier, bâti et non bâti, reste imposé à sa valeur vénale au 1er janvier. Dans certains cas, des minorations s’appliquent. « La résidence principale bénéficie toujours d’un abattement de 30 % », précise Thaline Melkonian, responsable de l’ingénierie patrimoniale chez Degroof Petercam France.

Quid des revenus locatifs ?

Les revenus locatifs ou « revenus fonciers » sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu ainsi qu’aux prélèvements sociaux. Ils s’ajoutent simplement aux autres revenus à déclarer.
Toutefois, ils bénéficient en amont d’une fiscalité propre. Pour la location nue, c’est-à-dire non meublée, deux régimes coexistent.

Le premier régime fiscal est celui du micro-foncier.
Lorsque les revenus fonciers annuels ne dépassent pas 15.000 €, le contribuable bénéficie d’un abattement forfaitaire de 30 % du montant des loyers encaissés, qui correspond à un « forfait charges » . Il se trouve donc fiscalisé sur la base 70 % de ses revenus fonciers perçus.
Aucune déclaration spécifique n’est requise : il suffit de reporter le montant brut des revenus fonciers (loyers hors charges) directement sur la déclaration. L’abattement est automatiquement appliqué par l’administration fiscale.

Lorsque les revenus fonciers annuels sont égaux ou supérieurs à 15.000 €, le régime réel s’applique. Il permet la déduction euro par euro de toutes les charges déductibles engagées sur le logement.
Si ces dernières sont supérieures aux loyers encaissés, est alors créé un déficit foncier, et le contribuable n’est pas imposable. Cette option au régime réel, qui peut être intéressante en cas de charges élevées, est également possible en cas de revenus fonciers inférieurs à 15.000 €, en lieu et place du micro-foncier donc. Elle est toutefois irrévocable pour une durée de trois ans.
Il est enfin à noter que les contribuables possédant plusieurs biens en location doivent tous les déclarer selon le même régime.

Alors, le nouvel IFI, un bon calcul pour l’État?

Lors de la mise en place de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’administration avait chiffré à 850 millions d’euros ses recettes potentielles. Mais comme cela a déjà été évoqué dans l’été, ce nouvel impôt sera bien plus rentable que prévu. L’exécutif table désormais sur 1,2 milliard d’euros en 2018, soit un surplus de 41% ! Et en 2019, les recettes devraient progresser à nouveau, le chiffre de 1,53 milliard d’euros étant avancé dans le projet de loi de finances.
Des recettes qui devraient donc permettre d’envisager une redistribution au plus juste, même si pour le moment aucun détail n’a été communiqué sur l’allocation de cette somme.
Rentable, l’IFI le serait donc. Incitatif, cela reste à juger sur les prochaines années.
L’instabilité des règles fiscales étant considérée comme défavorable à l’investissement, le gouvernement a souhaité mettre en œuvre une fiscalité plus efficace, plus simple et plus claire, donc propre à durer. Dans le même temps, ce nouvel impôt sur le fortune a destination à orienter l’épargne française vers l’investissement dans les entreprises. Les résultats de ces volontés se montreront à l’heure des prochains bilans.

Et pour les investisseurs ?

Le nouvel impôt sur la fortune a d’ores et déjà fait couler beaucoup d’encre. «L’IFI ne doit pas venir se poser en sanction pour les investisseurs qui choisissent la pierre. En jouant ce jeu-là, le gouvernement Macron fait courir de gros risques au secteur, et aux propriétaires. Même si la prolongation du Pinel jusqu’en 2021 est une bonne nouvelle, l’IFI va, de fait, redessiner les contours de la fiscalité du dispositif. » estime David Azoulay, Président-Directeur général d’Immo9 Nantes.
Et en même temps qu’il inquiète les professionnels du secteur, cet impôt se voit fortement critiqué pour son incitation à l’artificialisation des sols des terrains non-bâtis, purs puits à perte de rentabilité en l’état.
Ces points, débattus à l’Assemblée, ne devraient pas changer la loi de finance en substance. Ils ne donneront lieu qu’à des aménagements de détail, si toutefois ils donnent lieu à quoi que ce soit.

« La suppression de l’ISF est trop récente pour juger du bienfondé du raisonnement du gouvernement qui espérait obtenir de la sorte une réorientation du patrimoine des ménages vers l’économie réelle. Même si l’investissement immobilier a légèrement reculé au cours du premier semestre 2018, cela n’est pas dû à un changement d’allocation des actifs de la part des Français mais à un manque de biens disponibles. La poursuite de l’augmentation des prix en est la traduction.
Les épargnants restent malgré plusieurs mesures dissuasives, attachés à la pierre et relativement méfiants vis-à-vis des placements boursiers. Par ailleurs, les ménages propriétaires de leur résidence principale, ne peuvent pas s’en défaire d’un coup de baguette magique afin d’échapper à l’IFI. (…)
Comme le soulignait le rapport sur le projet de loi de finances 2018 du Sénat « il y a fort à parier qu'une fois que les grandes fortunes auront modifié la composition de leur patrimoine au détriment de l'immobilier, le rendement de l'IFI sera inférieur à celui escompté par le gouvernement ».
Entre l’aversion aux risques des ménages, leur appétence pour la pierre et les incertitudes qui pèsent sur les marchés, je considère que l’IFI devrait se maintenir autour du milliard d’euros. »
Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

Des résultats que les économistes estiment estiment toujours bien en deçà de ce qui serait nécessaire pour opérer une véritable « redistribution des richesses », mais ont pour avantage de se montrer bien supérieurs au prévisionnel.